2023/17 Flagrant déni, Hélène Machelon. Le Dilettante, 01/2023. 213 p. 18 € ***

Un soir d'été, Juliette Conti, 17 ans, est prise de violentes douleurs au ventre. On pense à une appendicite, mais les médecins de la clinique sont formels : la jeune fille est en train d'accoucher. Mais Juliette n'en démord pas : elle a continué d'avoir ses règles, son ventre n'a pas grossi, elle n'a pas pris de poids. Et pourtant il est bien là, cet "Autre" qui lutte pour sortir d'elle, et qui va lui voler sa jeunesse ses projets d'intégrer une prépa parisienne. Malgré le soutien de ses parents, elle ne parvient pas à se faire à l'idée d'être mère, et décide de se débarrasser de l'enfant en le proposant à l'adoption...

Ici, point de bon sentiment, mais le rejet, cru, de cet enfant issu d’une relation dont on ne connaîtra jamais que le caractère délétère. Les mots sont précis et n’occultent pas la réalité insupportable que découvre cette jeune fille. Cet intrus est un cancer qui s’est nourri d’elle, et dont elle n’aspire qu’à se séparer. L’accouchement est un traumatisme, le retour à la maison une fois l’enfant confié à un foyer d’accueil, douloureux. Au point que la folie guette Juliette, malgré toute la patience et tout l’amour que lui portent ses parents et sa jeune sœur. Le roman est d’autant plus efficace que l’auteur évite habilement tout pathos en présentant Juliette comme une adolescente difficile, agressive envers sa mère qu’elle ne craint pas de malmener. Elle fait du corps le filigrane du récit, rappelé dans les en-têtes des chapitres. Ce corps d’adolescente fin et musclé, sculpté par la pratique sportive, qui dès lors que la jeune fille prend conscience de la présence de cet « autre » au creux de son ventre, se met à enfler soudainement, au point de devenir méconnaissable. Ce corps qu’ensuite Juliette n’arrive plus à accepter, comme si, d’une certaine façon, il l’avait trahi.

Si ce roman sur le déni de grossesse a de nombreuses qualités, je regrette cependant certaines longueurs dans la deuxième partie du récit, après l’accouchement : certaines scènes semblent s’étirer, notamment dans les réflexions de Juliette, d’autant plus que l’auteur use de l’imparfait, qui donne une impression de longueur et de lourdeur, ce qui dessert quelque peu le caractère percutant de ce récit.

 

Catégorie : Littérature française

déni de grossesse / adolescence / famille / accouchement /


 

Posté le 29/03/2023 à 17:25