La ville des vivants, Nicola Lagioia / trad. de l’italien. Flammarion, 008/2022. 506 p. 23 € *****

En 2016, un jeune homme de 23 ans, Luca Varani, est atrocement torturé puis assassiné par deux fils de bonne famille, qui déclareront avoir agi sans réel mobile.  Manuel Foffo est condamné à une peine de prison de 30 ans, Marco Prato finit par se suicider avant son procès. L'auteur reconstitue les jours et les faits qui ont précédé le meurtre, rencontre les proches et tous ceux qui ont fréquenté de près ou de loin la victime et les deux tortionnaires, et s'attache à trouver le point de rupture à l'origine de ce fait divers horrible. A travers sa quête, Nicola Lagioia dévoile une Rome bien loin des clichés de musée à ciel ouvert, une Rome à la fois splendide et malfaisante, aux venelles jonchées d’ordures et envahies par les rats.

En retraçant la relation qui a uni Foffo et Prato, l’auteur révèle le monde de la nuit romaine où, à l’instar de nombreuses grandes villes, se croisent des êtres en mal de sensations fortes, qu’elles soient sexuelles ou toxicomanes. Prato, qui travaillait dans l’événementiel, connaît bien cet univers dont il ouvre les portes à Foffo, moyennant une forte consommation d’alcool et de rails de coke. Les deux hommes en avaient-ils pour autant perdu toute notion du bien et du mal, et auraient-ils pu être considérés comme irresponsables du meurtre commis dans un état altéré de conscience ? Ce n’est finalement pas le cas, puisqu’à travers une reconstitution remarquablement documentée, qui se lit comme un terrible roman noir, l’auteur s’interroge – sans juger – sur la complexité de l'âme humaine et de ce qui peut transformer un homme en bourreau. A commencer par lui, qui ne cache pas, au détour d’une chapitre plus personnel, avoir possédé lui aussi sa part d’ombre. Et puis, il y a Rome, fascinante et sale, drapée dans sa splendeur tandis que la corruption règne, une Rome qu’il tente de fuir avec sa femme pour emménager à Turin aux rues propres et ordonnées, avant de se décider à revenir – comme si, malgré ou à cause de son stupre, de ses crimes et de sa déchéance, la ville éternelle continuait d’exercer sur lui son charme sulfureux.

 

Catégorie : Littérature étrangère

Rome / ville / meurtre / drogue / homosexualité / violence /


Posté le 07/11/2022 à 16:43