2022/60 Une nuit après nous, Delphine Arbo Pariente. Gallimard, 06/2021.247 p. 19 € ****

         "Je m'appelle Mona, j'ai quarante-six ans, je suis en couple avec Paul depuis douze ans, j'ai trois enfants dont deux d'un précédent mariage, et il y a quelques mois j'ai rencontré Vincent." Voilà l'incipit – ou presque – de ce roman qui traite de l'adultère. Encore, pourrait-on penser à la lecture des premières pages du roman, sauf que ce thème éculé est mis en lien avec la relation de Mona avec son père, que l'on va découvrir au fil de ses conversations avec Vincent. Lui, c'est son prof de yoga, marié et heureux en couple, qui vient depuis l'Ardèche trois jours par semaine à Paris donner ses cours. Mais ce qui attire Mona, et ce qui délie sa langue et lui permet de dire ce qu'elle a toujours tu, c'est cette enfance cabossée qu'ils partagent. C'est d'abord Vincent qui s'épanche, raconte la mort du père et l'abandon de ses rêves de compositeur. Alors, Mona peut se libérer, poser "ce fardeau, cette fiction [d'elle-même qu'elle] traîne comme un vieux chiffon d'enfance". Elle dit ce père dont le souvenir la hante encore, qui "surgit comme un platane", dont elle sent encore l'odeur de tabac froid. Un père que la pauvreté a conduit à utiliser sa fille pour voler dans les supermarchés, à aller dans des restaurants pour se faire établir de fausses notes de frais. Mona s'est appliquée, que n'aurait-elle pas fait pour obtenir un peu d'amour de ce père maltraitant et abusif ? Jusqu'à ce matin de la naissance de son petit frère, qui vient faire basculer le lien dans l'horreur.

         Malgré quelques maladresses dans un style volontairement très imagé – le "cœur braqué comme un distributeur de billets" m'a laissée pantoise -, ce récit fait mouche. Parce qu'il a quelque chose de lumineux, à travers l'attirance et le partage de ces deux êtres qui ne veulent ni ne peuvent bouleverser la vie qu'ils ont construite, mais dont la rencontre a permis de panser les blessures. 

 

Roman lu dans le cadre des "68 premières fois"

 

Catégorie : Littérature française

couple / adultère / traumatisme / deuil /


Posté le 24/06/2022 à 11:33