2022/21 Pleine terre, Corinne Royer. Actes Sud, 04/2021. 327 p. 21 € ****

Jacques Bonhomme, agriculteur, a quitté sa ferme et ses animaux. En pleine cavale, le jeune homme se cache des gendarmes. On va découvrir progressivement la raison de sa fuite, à travers les paroles de son entourage : la mère de son meilleur ami handicapé, sa sœur, un fonctionnaire chargé du contrôle sanitaire, un vieux voisin, chacun raconte l'enchaînement des événements qui ont conduit à la rébellion du jeune paysan, et notamment la course au rendement, la production de masse et la déshumanisation des pratiques qui touchent cruellement le monde de l'agriculture. Un récit inspiré d'un fait divers dramatique.

Il faut du temps pour faire pousser des plantes. De la patience aussi, et du savoir-faire. Des connaissances transmises d'une génération à l'autre en même temps que la ferme et les terres. De même Corinne Royer prend son temps pour poser son histoire et son personnage, caché dans les bois qu'il connait bien. Pendant sa cavale, Jacques s'interroge, se désespère, se révolte, pleure, crie, nourrit sa colère et ses regrets. A travers ses larmes et sa désespérance, c'est toute la misère d'un monde paysan étranglé par les normes sanitaires sans cesse changeantes, les aberrations administratives, les objectifs impossibles à tenir, le cercle vicieux des emprunts pour combler les dettes ; un monde où l'animal n'est plus qu'un produit, et l'homme un exécutant. Un roman âpre et beau comme l'est la forêt qui s'éveille dans la brume, inspiré d'un fait divers, et que le lecteur achève en se demandant si, un jour, fermes, vaches et paysans ne seront pas une espèce éteinte.

 

Catégorie : Littérature française

agriculture / monde paysan / dettes / révolte /


Posté le 28/03/2022 à 10:18