Légende d'un dormeur éveillé, Gaëlle Nohant. Héloïse d'Ormesson, 08/2017. 532 p.

         Paris, 1922. De retour du Maroc, Robert Desnos parcourt les rues de Paris, ses lunettes perpétuellement embuées. Il est l'ami d'Alejo Carpentier, d'Aragon, d'Antonin Artaud, de Prévert ou encore Queneau, et se mêle aux surréalistes. Fasciné par la chanteuse Yvonne Georges, il fréquente le bal nègre où il fait la rencontre de Youki Foujita, l'épouse du peintre japonais. Elle devient très vite sa maîtresse, Robert en est amoureux fou, mais Youki est volage et se montrera souvent insaisissable, même lorsqu'ils vivront ensemble, lorsqu'elle se sépare de Foujita. Sa souffrance lui fera écrire de nombreux poèmes.

         La poésie nourrit difficilement son homme. Robert écrit de nombreux scénarios pour le cinéma, fait de la radio et contribue à un épisode de la série Fantômas, analyse les rêves de lectrices, devient critique littéraire, et parvient à faire publier un recueil de poèmes. Il prend ses distances avec André Breton, rencontre Jean-Louis Barrault et Madeline Renaud, et pendant la guerre revient au journalisme. Il s'engage dans la Résistance, et sera arrêté en 1944. Il mourra du typhus dans un camp de concentration, quelques jours après la fin de la guerre.

         Robert Desnos était fasciné par les rêves ; il avait pratiqué l'écriture automatique, notamment lors de séances de sommeil hypnotique avec André Breton. Le titre de la biographie romancée de Gaëlle Nohant colle parfaitement à ce personnage de "voyant". L'auteur, qui s'appuie sur une importante documentation, restitue parfaitement l'ambiance du Paris des années 1925-1945, et permet de découvrir tous les talents de ce poète touche-à-tout, dont souvent nous ne connaissons que le poème "Une fourmi de 18 mètres…". Elle donne également une grande importance au personnage de Youki, dont le journal termine l'histoire, et qui se rend compte, mais un peu tard, combien elle l'a aimé.

         Le roman est écrit dans une belle langue, qui rend hommage à ce dormeur éveillé et cependant si engagé dans son époque.

         "Robert dessine une sirène aux yeux troubles, le genre qu'il ne faut pas croiser quand on est un honnête chalutier traçant sa route vers la haute mer, le genre à vous sourire pour mieux vous perdre au fond des flots noirs." (p.54)

         Roman lu dans le cadre du Prix Littéraire des Lectrices de Elle édition 2018.

 

 

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Posté le 04/10/2017 à 11:33