Tant qu'il reste des îles, Martin Dumont. Les Avrils, 05/2020. 233 p. 18 € *****

         Léni répare des bateaux sur un petit chantier naval et s'occupe de sa petite fille Agathe, quand sa mère accepte de la lui confier. Le soir, il retrouve ses copains pour jouer à la coinche au café de Christine. Le principal sujet de conversation, c'est le pont. Celui qu'on est en train de construire, gigantesque infrastructure de câbles et de métal qui reliera l'île au continent, rendant obsolètes les liaisons par ferry. Un immense progrès affirment les partisans du maire, une source de rentabilité et d'attrait touristique en plus d'être pratique. Mais les joueurs de cartes ne sont pas de cet avis, et envisagent de monter un mouvement de protestation : faire construire le pont, c'est tuer l'identité de leur île. Léni, lui, ne prend guère part aux débats. C'est qu'il a d'autres préoccupations : la méfiance de Maëlis, la mère d'Agathe, et les difficultés économiques du chantier naval. Il semble un peu désabusé, ce Léni si taiseux, et peu enclin à s'investir dans un combat qu'il pense perdu d'avance, ou dans une nouvelle relation amoureuse. Un peu attentiste, aussi. Incapable de prendre de vraies décisions, de se battre, qu'il s'agisse de l'identité insulaire ou de sa fille, il pourrait être agaçant s'il n'était pas si touchant. Mais au fur et à mesure de la construction du pont, que les fondations accueillent les piles, que le tablier va être posé, et tandis que l'équipe du petit chantier naval tâche de répondre à une commande difficile, il devient de plus en plus difficile de ne pas agir. Et quand une convergence d'événements l'amène enfin à agir, c'est toute sa vie qui va s'en trouver modifiée.

         Dans cette histoire on se dispute en jouant aux cartes, on fait griller des sardines, on va pêcher, la patronne du bar chante du Brassens en s'accompagnant à l'accordéon, c'est un récit écrit à hauteur d'hommes où perce beaucoup de tendresse. La plume de Martin Dumont y est très juste, avec ce qu'il faut de poésie désabusée ; il campe en quelques phrases l'ambiance d'un bar ou l'adrénaline d'une sortie dans une mer agitée. Alors, pris sous le charme, on se dit que malgré le pont, une île sera toujours une île et qu'on irait bien y faire un tour.

 

Roman lu dans le cadre des 68 premières fois

 

Catégorie : Littérature française

île / mer / pont / manifestation /


Posté le 02/06/2021 à 15:27