Ces orages-là, Sandrine Collette. JC Lattès, 01/2021. 280 p. 20 € *****

         Clémence, 30 ans, est parvenue à rompre avec son compagnon avec lequel elle a connu trois ans d'une relation toxique. Elle vient de s'installer dans une petite maison où elle vit recluse, et n'a pour seules relations sociales que son travail à la boulangerie. Elle essaie de se défaire de sa peur de l'obscurité en allant explorer son jardin minuscule, et espère guérir, comme l'un des cinq poissons rouges du bassin, mutilé mais bien vivant. Mais combien il est difficile de se défaire de l'emprise que Thomas a exercée sur elle, et combien elle peine à retrouver force et confiance en elle, pour n'avoir plus peur de le voir surgir et la reprendre dans ses rets…

         Clémence lutte contre elle-même, contre ses doutes, contre ses angoisses. Son combat est celui d'une droguée en manque : parfaitement lucide sur la dangerosité de ce qu'elle a vécu et sur la malfaisance de son ancien compagnon, elle n'en est pas encore tout à fait guérie. Alors qu'elle essaie de s'installer dans sa nouvelle vie, de se reconstruire, elle se rappelle par bribes ce que Thomas lui a fait subir. Thomas, c'est l'homme séduisant, affable, intelligent, qui est devenu, dans l'intimité du couple, un véritable monstre. Qui lui a fait connaitre l'enfer, en témoignent les scènes de course poursuite dans les bois, jusqu'à la punition épouvantable, extrême – Clémence manque de mourir par la faute de Thomas, et c'est dans ses bras qu'elle se jette lorsqu'il la sauve du piège dans lequel il l'a précipitée. C'est cette scène-là qui raconte à mon sens parfaitement les mécanismes à l'œuvre dans une relation avec un partenaire que l'on nomme, peut-être abusivement parfois, un pervers narcissique. Du "PN", Thomas en a tous les traits, y compris celui d'avoir tellement manipulé sa victime qu'elle aime encore son bourreau. Clémence a eu le courage de partir, mais il lui faudra du temps, et l'aide de tiers, pour parvenir à se défaire tout à fait de l'emprise. Avec, au final, un dénouement qu'on ne peut s'empêcher de trouver jouissif.

Dans une langue parfois crue, souvent travaillée, où elle use des tirets pour évoquer l'indicible, pour dire ce que Clémence soudain réalise, Sandrine Collette nous offre là un récit bien différent de ses romans habituels où la nature avait une grande place, même abimée – je pense notamment à son avant-dernier opus,  Et toujours les forêts - ; cette fois la nature est une forêt hostile, et ce récit davantage tourné vers des paysages intérieurs que son héroïne va devoir reconquérir, comme elle parvient tout doucement à conquérir son petit jardin et ses habitants.

 

Catégorie : Littérature française

couple / pervers / manipulation / rupture / vengeance /


Posté le 18/01/2021 à 17:28