Le matin est un tigre, Constance Joly. Flammarion, 01/2019. 154 p. 16 € *****

                Beaucoup d'émotions dans ce court roman à l'intrigue très courte qui n'ôte rien de ses qualités narratives et stylistiques. Billie, 14 ans et demi, est atteinte d'une mystérieuse maladie que les médecins peinent à identifier. Ses parents sont évidemment désespérés et, de périodes de rémission en rechutes, s'attendent au pire et acceptent l'opération qui devrait libérer Billie de sa tumeur pulmonaire. Pour Alma, la mère, c'est un chardon qui pousse dans le corps de sa fille. L'allusion au nénuphar de L'Ecume des jours est claire et assumée, mais Alma, contrairement à Colin, ne se résout pas à perdre sa Billie.

                L'histoire pourrait être pathétique, d'autant plus qu'elle n'est racontée que par les yeux d'Alma. Elle ne l'est pas du tout. Le récit est parsemé de pépites poétiques, de métaphores qui n'excluent pas l'humour aussi : "Ensuite, l'hôpital émerge comme une molaire dans une bouche édentée, plantée dans la gencive saumon du parking. L'image la fait sourire, elle se dit chaque jour qu'elle a une dent contre l'hôpital." (p.35-36). Constance Joly manie la langue avec aisance, justesse, mélange ce qu'il faut les registres de langue, réinvente l'usage du double point : "La glycine est en boutons : des insectes poilus comme des bourdons, dont on devine déjà le mauve." (p.38). C'est un chemin initiatique parsemé d'embûches que suit Alma, où "Le matin est un tigre qui rampe doucement, en attendant de vous sauter à la gorge". Alors que Billie est à l'hôpital, attendant son opération, elle part en Bretagne, vers une Alma plus ancienne et un chat roux à la queue tronquée, et c'est une expérience salvatrice. Au bout, la lumière. Un très beau premier roman.

 

Roman lu dans le cadre des "68 premières fois"

 

Catégorie : Littérature française

Famille / maladie / initiation /

Posté le 04/03/2019 à 18:16