Aires, Marcus Malte. Zulma, 01/2020. 488 p. 24 € ***

        Destins croisés sur l'autoroute. Il y a Romand Carratero, professeur de technologie qui va rendre visite à sa femme hospitalisée, Frédéric Grison, chauffeur de poids lourd, Sylvain Page et son fils mutique partis pour Disneyland, un autostoppeur portant une pancarte qui mentionne "Ailleurs" en guise de destination, Pierre Palmier, qui vit dans une caravane sur une aire d'autoroute, Catherine Delizieu, forte femme à la tête d'une multinationale, Maryse et Lucien Gruson, un couple septuagénaire, Zoé Soriano, serveuse dans une cafeteria, enfin un jeune couple en 205. On suit chacun d'entre eux, dans des récits de vie scandés par la radio, informations, annonces publicitaires, on découvre leur histoire à petites touches ; rien ou presque ne semblent les réunir, tandis qu'ils suivent l'autoroute dans un sens ou dans l'autre, jusqu'à ce que le hasard, ou la fatalité, les fasse se rencontrer.

         Marcus Malte joue à déstabiliser son lecteur. D'abord, avec cette introduction où un professeur enseigne, dans une novlangue surprenante, la façon dont on vivait jadis, à "l'ère de la procréation naturelle". Ensuite, en introduisant chaque personnage par le véhicule qu'il conduit, dont la puissance moteur, l'âge et la cote argus sont représentatifs de sa classe sociale. Enfin, en choisissant volontairement un récit choral dans lequel chacun a sa place sans jamais rencontrer l'autre. Une sorte de patchwork dont on ne saisit que progressivement l'unité, au fur et à mesure que les pièces s'ajoutent pour créer un ensemble qui va prendre sens. Ce que raconte surtout Marcus Malte à travers les destins croisés de ses 14 personnages, c'est des rêves, des désillusions, des attentes, des regrets, c'est une actualité parfois absurde, ou terrible, le portrait d'une société contemporaine dans laquelle les humains sont identifiés par leur véhicule, symbole de leur puissance ou de leur ambition. J'ai retrouvé dans ce roman l'humour parfois corrosif et l'intelligence de la langue du Garçon, mais sans son romanesque. Le parti pris d'un roman choral, sans réelle rencontre des personnages à part celle de l'impitoyable fatalité, m'a paru un peu fastidieux et long.

 

Catégorie : Littérature française

personnage / route / destin /

 

Posté le 13/05/2020 à 09:42