2022/94 Les enfants endormis, Anthony Passeron. Globe, 08/2022. 273 p. 20 € ****

Désiré, l'oncle du narrateur, est mort du sida il y a 40 ans. Héroïnomane, il a été contaminé après un échange de seringue. Mais la version officielle est une mort par embolie pulmonaire, donnée par la famille qui tenait plus que tout à sauvegarder les apparences et sa respectabilité dans cette petite ville de la région niçoise où elle tient commerce de boucherie. L’auteur n’a qu'un souvenir flou de Désiré, dont il retrouve les photos, mais décide d’entreprendre une enquête familiale. Pour rétablir la vérité, briser les tabous et, peut-être, faire disparaître les préjugés et la honte. En parallèle, il raconte l’histoire de ce virus que l’on a au début appelé le « cancer gay », l’impuissance de la médecine et les morts par milliers, jusqu’à la découverte des premières trithérapies.

Replongée dans les toutes jeunes années 80. Celles où tout semblait possible, où l’on pouvait jouir de la liberté que n’avaient pas eu nos parents, où on écoutait Madness, Pink Floyd ou Police. Celle aussi de « l’héro » qui circulait partout, y compris dans les campagnes, qui faisait qu’au matin on découvrait ces « enfants endormis » dans les toilettes des bars où ils étaient allés prendre leur dose. Il en a fallu du temps pour qu’on comprenne le mode de transmission de ce virus isolé, l’auteur le rappelle, par des chercheurs français opiniâtres comme Willy Rozenbaum, Luc Montagnier ou Françoise Barré-Sinoussi – j’en oublie – et qui ont su faire fi des préjugés de l’époque. En contrepoint à l’histoire de Désiré que reconstitue son neveu, on découvre tous les tâtonnements, les essais, les échecs de cette longue bataille contre le virus, ainsi que la concurrence féroce entre les équipes françaises et américaines. Au-delà que l’hommage rendu à ces scientifiques pour l’Histoire, et à Désiré pour ce qu’il a traversé, ce roman rappelle que si la médecine a fait d’énormes progrès et qu’être séropositif aujourd’hui n’empêche nullement d’avoir une espérance de vie tout à fait satisfaisante, le sida, s’il n’est pas traité, reste mortel.

 

Catégorie : Littérature française

sida / années 80 / drogue / famille / tabou / médecine / traitement /


Posté le 19/10/2022 à 17:25