2022/64 La fille que ma mère imaginait, Isabelle Boissard. Les Avrils, 05/2021. 217 p. ***

         Isabelle suit son mari dans ses mutations à l'étranger, avec leurs deux filles. Après l'Italie et la Suède, cette fois la famille part pour Taiwan. Femme de, oisive, elle ne déborde pas vraiment d'enthousiasme pour organiser un énième déménagement et recréer des liens sociaux avec les autres expatriés. Les épouses notamment, celles qui occupent leurs journées sans grands projets et inscrivent leurs enfants dans des lycées français. Isabelle n'est pas tout à sa place dans ce monde-là. Le coma de sa mère la contraint à revenir en France, où elle va profiter de l'occasion pour participer à la rencontre des membres d'un atelier d'écriture auquel elle s'est inscrite.

         Au chevet de sa mère inconsciente, Isabelle se rappelle son enfance avec ses deux frères, la mort de son père à 37 ans, sa mère courage qui a élevé seule ses enfants ; elle est davantage bouleversée qu'elle ne s'y attendait et veille chaque jour à l'hôpital, où elle sympathise avec le kiné qu'elle surnomme Kiki Baloo, où elle tente d'apprivoiser un agité du bocal qu'elle appelle Au hasard Balthazar. Sa manie des surnoms – dont elle a affublé non sans cruauté quelques-uns de ses homologues de Taïwan (Blandine de la Chatte, Blanche Pubis ou Ludivine de la Prostate) concourt à donner à ce récit introspectif une tonalité drôle qui vient tempérer la gravité des questionnements de la narratrice qui manie l'autodérision sans concession. Parce que sous l'apparente légèreté se tisse l'histoire d'une presque cinquantenaire qui s'interroge sur ses choix de vie, sur ce qui la lie encore ou non à son mari et à ses filles, sur ses origines modestes qui détonnent dans le milieu que le salaire de son mari lui a ouvert. Est-elle encore heureuse ? Elle imagine les grandes mains de Kiki Baloo, elle  s'imagine tomber en amour avec Gaspard, l'animateur de l'atelier d'écriture – un fantasme qui va tourner court et lui fera écrire que "le meilleur moment, c'est toujours avant". La plume est alerte, l'humour féroce, mais il manque au récit un je ne sais quoi qui aurait permis à Isabelle de toucher autrement son lecteur qu'en le faisant sourire de ses saillies corrosives. 

 

Roman lu dans le cadre des 68 premières fois

 

Catégorie : Littérature française

étranger / couple / expatrié / famille /


Posté le 27/07/2022 à 12:06