2022/27 Abasute, Isabel Gutierrez. La Fosse aux Ours, 11/2021. 125 p. ***

         Gravir la montagne à dos de fils pour attendre la mort sous un grand rocher, c'est ce que souhaite Marie. Faire son abasute, pour mourir seule, à l'abri des regards. Alors le fils va fabriquer une chaise en osier munie de deux larges lanières et, chargé du poids de sa mère, grimpera pendant deux jours jusqu'à déposer son précieux fardeau à bon port. Les préparatifs et les deux jours de ce dernier voyage permettent à chacun d'eux d'égrener leurs souvenirs : Marie se rappelle sa vie d'avant, la rencontre avec celui qui allait devenir le père de ses trois enfants et qui a été le grand amour de sa vie, avant de mourir en montagne ; Pierre se souvient de ses 15 ans et de la mort du père qui a muré longtemps sa veuve dans le silence. Marie était une mère aimante pourtant, malgré la peine dont elle a eu tant de mal à se remettre, et elle aimait les livres et les histoires. Il y a beaucoup d'amour là-dedans, et une obstination à avancer malgré les claques que la vie s'ingénie à vous donner. De la cruauté aussi, à commencer par cette dernière demande de Marie à Pierre, auquel il concède sans se révolter. On pourra y voir le dernier acte d'amour d'un fils pour sa mère, et la possibilité d'un chemin à l'envers où il devient "l'homme qui porte sa mère sur son dos pour l'emmener s'éteindre sur la montagne". J'y ai vu, moi, une mission fatale à laquelle il ne pouvait faillir, et quelque chose d'un peu égoïste. Comment peut-on demander une telle chose à son fils, n'ai-je cessé de me demander tout au long de la lecture de ce roman pourtant beau et ciselé ; comment peut-on le charger d'un si lourd fardeau ? Heureusement, on l'attend en bas.

 

Roman lu dans le cadre des "68 premières fois".

 

Catégorie : Littérature française

montagne / maladie / mort / famille / pèlerinage /


Posté le 28/03/2022 à 10:23