2022/9 Kérozène, Adeline Dieudonné. L'Iconoclaste, 04/2021. 258 p. 20 € ****

Une station-service au bord d'une autoroute des Ardennes, par une nuit d'été. Quatorze personnages se croisent, sous la lumière crue des néons. Il y a là Juliette, la caissière, et son collègue Sébastien, une prof de pole dance, un mannequin qui voue aux dauphins une haine tenace, un dépanneur, une bonne philippine, un couple et une mère devenue démente, la rescapée d'un attentat, un représentant en acariens, un palefrenier meurtrier, un cheval, une vieille dame richissime et son gigolo, et un cadavre. Simple coup du hasard ou effet du destin aux lois mystérieuses, tous convergent à 23h12, autour d'un café ou d'une pause pipi. Pour repartir après.

Dans ce récit inclassable, chaque chapitre pourrait être une sorte de nouvelle, lue indépendamment des autres. Cependant, un lien unit ces destins, cette halte sur l'autoroute un soir d'été. Qui n'a pas essayé d'imaginer, lors d'une pause sur le trajet des vacances, ce que pouvait être la vie de ces autres croisés que l'on croise aux toilettes, devant la machine à café ou à la caisse de l'épicerie ? D'inventer une existence à ceux-là qu'on ne reverra jamais ? Adeline Dieudonné nous propose ainsi des portraits, pour certains bien gratinés, et très réussis, de ces étrangers de passage. Avec le risque de faire catalogue, sans réelle logique. Mais son propos n'est justement pas de trouver un lien – à part cette rencontre éphémère et sans lendemain, à 23h12, mais d'illustrer cette brève connexion qui sauf exception, ne mène à rien. C'est dans sa forme même que cet OLNI fait sens. Comme un témoignage, une envie de laisser une trace de ces destins croisés. Une courte pause, avant de repartir. "D'autres arriveront. Toutes repartiront. Ici on ne fait que passer."

 

Catégorie : Littérature française

autoroute / destin / rencontre / éphémère / impermanence /


Posté le 10/02/2022 à 11:40