L'amie prodigieuse tome 1 : Enfance, adolescence. Elena Ferrante. Gallimard, 01/2016 (Folio). 430 p. 8,20 €

Elena Greco, dite Lenù, et Raffaella Cerullo, surnommée Lila, deviennent amies dès l'âge de 6 ans et partagent leurs jeux et leurs découvertes dans un quartier populaire de Naples. Toutes les deux intelligentes, elles pourraient poursuivre leurs études, mais ce n'est pas là le destin promis aux jeunes filles napolitaines quand elles sont d'origine modeste. Aidée et poussée par son institutrice, Lenù continue tout de même sa scolarité au collège, puis au lycée, tandis que Lila travaille pour son père, cordonnier, et finit par épouser Stefano l'épicier, à 16 ans. Malgré ces différences, les deux jeunes filles continuent de se fréquenter plus ou moins régulièrement, chacune influencée par l'autre, entre amitié et rivalité.

         L'Italie des années 50-60 et du "miracle économique" est racontée ici sous la plume de la narratrice Lenù qui restitue à merveille l'ambiance de la vie dans ces quartiers populaires où les liens familiaux et l'obéissance au mari, au mâle, régentent toute la communauté. Lenù est fascinée, dès le début, par Lila : cette dernière est noiraude, mal fagotée, effrontée, méchante, suprêmement intelligente ; intelligente, Lenù l'est aussi, mais elle est plus scolaire, réservée, blonde, myope et contrainte de porter des lunettes qui, elle en est persuadée, la défigurent. A l'adolescence, arrivent les boutons et les rondeurs, tandis que Lila devient une liane brune qui a un chic incroyable. A elle le succès, les fastes du mariage, et un bel appartement tout neuf tandis que Lenù n'a même pas de quoi payer ses livres scolaires.

         Tout est donc dit : Lila est l'amie prodigieuse – dans tous les sens du terme : c'est un prodige, une surdouée, l'amie extraordinaire et précieuse de Lenù, celle qui la fait avancer, mais elle a aussi cette étrangeté, cet aspect un peu monstrueux que peuvent revêtir les prodiges, car elle en fait trop, capable d'être aussi une rivale sans pitié, voire un véritable monstre d'égoïsme. J'ignore si le titre original contient la même ambiguïté, mais la traduction est judicieuse. 

         En tout cas, le roman se lit facilement, même si le style est assez littéraire, et si j'ai été parfois agacée par Lenù que je trouve un peu complaisante envers elle-même et parfois bien timorée, j'ai beaucoup aimé plonger dans ces Trente Glorieuses italiennes où les marqueurs sociaux (l'usage du dialecte, le statut des femmes…) font revivre une époque aux teintes sépia.

 

Catégorie : Littérature étrangère

Italie / amitié / 1950 /

Posté le 23/03/2017 à 15:24