Starlight, Richard Wagamese / trad. De l'anglais. Zoe, 01/2019. 268 p. 21 € *****

Francklin Starlight vit dans une ferme en Colombie Britannique, dans l'ouest canadien. Il y mène une vie en accord avec la nature et prend de remarquables photos de la faune sauvage. A quelques centaines de kilomètres, Emmy parvient à quitter son compagnon alcoolique et violent et prend la fuite avec sa fille Winnifred. La faim l'amène à voler dans un supermarché où elle est arrêtée. Pour lui éviter la prison et le placement de sa fille en foyer, Starlight lui propose de l'embaucher comme cuisinière.

Si j'avais pu mettre dix étoiles au lieu de cinq, je l'aurais fait. Richard Wagamese nous offre là un roman d'une beauté envoûtante, qui met en scène deux êtres écorchés vifs, qui traînent un lourd passé de violence et de souffrance, réunis par le destin et surtout par une nature sauvage que Franck va amener Emmy à connaître, dans un apprentissage patient et progressif. L'auteur raconte merveilleusement les forêts sombres qui laissent soudain apparaître de somptueux paysages, les cerfs aux andouillers imposants ; sous sa plume ample et fluide on apprend à marcher comme un cougar, à respirer profondément pour calmer son cœur, à écouter les bruits multiples du vivant tout autour, le bruissement des feuillages, les pas d'un cervidé, le chant lointain d'une rivière ; comme Emmy, on rêve de toucher le flanc palpitant d'une biche surgie des bois. Le roman, inachevé à la mort de son auteur, souffre sans doute de légères imprécisions ou de maladresses ; il lui manque un épilogue que les éditeurs ont reconstitué d'après d'autres texte de Wagamese. Une fin suffisamment floue pour laisser place à l'imagination du lecteur qui doit combler le vide : comment Emmy, aidée par Starlight, pourra-t-elle échapper à son ancien compagnon qui se promet de se venger en lui infligeant les pires sévices ? L'inachèvement même de ce récit lui donne une dimension supplémentaire, comme une histoire qui ne voudrait pas finir et qui va nous accompagner longtemps.

Un extrait qui restitue parfaitement la beauté de l'instant et la plume élégante de Wagamese : "C'était un mâle. Ses bois étaient développés et larges et quand il relevait la tête pour renifler l'air, leur inclinaison rappelait un panier qui aurait capté la lumière sur ses andouillers si bien que, pendant un instant, le soleil s'y trouvait empalé." p.158


Catégorie : Littérature étrangère

Canada / nature / violence /


Posté le 26/01/2020 à 12:02